Le 1er mars 1789 à Cherré : cahier de doléances.
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Ce dimanche 1er mars 1789, les habitants de la paroisse de Cherré, voisine de celle de La Ferté-Bernard ; se réunissaient à l’issue de la grand-messe aux fins de rédiger leurs doléances et désignaient comme leurs représentants à l’assemblée du Mans, les sieurs Pierre Herpin, René Lemarié et René Toquelin.
« L'an mil sept cent quatre vingt neuf, le dimanche premier mars, issue de la grande messe paroissiale de Cherré.
Par devant nous Mathurin Gigoust de La Forest, sindic de la dite paroisse y demeurant, soussigné,
Comparans en leurs personnes les habitans de la dite paroisse, suivant le mandement à eux envoyé par le Roi, publié au prône de la grande messe de cette paroisse ce jourd'huy, suivant la commission à eux adressée par Monsieur le Sénéchal du Maine, ont élu pour y satisfaire les sieurs Pierre Herpin, René Lemarié et René Toquelin, auxquels ils ont donné pouvoir et puissance de comparoître en l'assemblée qui se fera au Mans, le neuf du courant et d'y déclarer conformément aux instructions et pouvoirs cy après.
Propriété.
1° Qu'aucune partie de leur propriétés ne puisse leur être enlevée par des impôts, s'ils n'ont été préalablement consentis par les étals-généraux du royaume composés ainsi que le veulent la raison et la loi, des députés librement élus, par tous les cantons, sans aucune exception et chargés de leurs pouvoirs.
Ministres.
2° Que suivant les intentions du Roi manifestée dans le résultat de son conseil du vingt sept décembre mil sept cent quatre vingt huit, les ministres soient à l'avenir responsables de l'emploi de toutes les sommes levées sur le peuple.
Impôts.
3° Requièrent les dits habitans que tous emprisonnements pour la perception des impôts comme de toutes autres detes soient suprimés, excepté ceux autorizés par les loix du royaume.
Ils chargent en outre les dits députés de faire incérer la dite déclaration des volontés des dits habitans dans le cahier de l'assemblée de la Sénéchaussée du Mans, comme aussi ils chargent ceux qui seront élus pour les états généraux, de ne consentir à la levée ou prorogations d'aucun impôts, sans au préalable l'avoir adoptée et quelle ait été jugée solannellement juste et nécessaire. Leur donnent néanmoins pouvoir sous la condition cy dessus et non autrement de consentir, toutes dépenses inutiles préalablement suprimées, à l'établissement ou prorogation de subsides et à tous changements dans l'administration, pourvu toutefois que les étals-généraux le jugent indispensablement nécessaire au bien de l'état et que les impôts de quelqu'espèce qu'ils soient, soient répartis indistinctement et sans privilèges entre tous les citoyens à raison de leurs propriétés.
Privilèges.
Les dits habitans chargent en outre les dits députés de représenter à l'assemblée de la Sénéchaussée du Mans,
1° Que c'est avec raison qu'ils se plaignent des droits des privilégiés, sans parler des nobles, qui, pour jouir de leurs privilèges, font signifier qu'ils font valoir leurs terres, et surtout leurs herbages, quoique souvent ils les ayent loués sous signatures privées.
Maîtres de Poste.
Deux maîtres de postes font valoir dans la paroisse environ cent vingt arpents des meilleurs fonds de terres et pâtures, sans en payer d'impôts. La paroisse est donc évidemment surchargée, et malgré toutes ses représentations à l'intendant, elle n'a jamais pu en obtenir d’indamnités. Comme encore il est permis à ses deux clases de privilégiés d'exercer leurs droits en différentes paroisses, il en résulte souvent qu'ils les excèdent. Veut-on les faire rentrer dans leurs justes bornes, il faut essuyer un procès ruineux, et c'est ce que la paroisse a éprouvé différentes fols.
Les habitans demandent que tous privilèges soient détruits et que les maîtres de postes en soient dédommagés en augmentant le prix de chaque poste, si les étals généraux le trouvent nécessaire.
Privilèges (suite).
2° Que le droit de faire valoir, sans payer de taille, prés, vignes et bois ne faisant partie d'aucun lieu, accordés aux propriétaires non domiciliés dans la paroisse où leurs biens sont situés, doit être aboli. Ce droit injuste par lui-même donne matière à beaucoup de contestations, en ce que plusieurs propriétaires, pour jouir de ce privilège, séparent prés, bois et vignes des métairies dont ils font partie.
Ponts et chaussées.
3° Que l'administration des Ponts et chaussées est très vicieuses et qu'il s'i commet des abus journaliers. Ici, on laisse des terrases et quelques toises d'enquiaissement à faire, quoi quelles ayent étés payées fort cher (car la paroisse jusqu'en 1786 a payé la corvée jusquà dix sous du principal de la taille) ; là, on fait faire au dépens de la corvée une chaussée ou terrasse à tels particuliers qui auront soudoyés ceux qui sont chargés de cette partie d'administration. Ici, on charoyes les terres d'une butte dans le champ voisin et on le rend stérille par ce moyen ; là, dans la vallée, où on aurait dû rapporter ces deblays, on prend une partie du terrain le plus proche pour en faire les remblays. Le Roy paye fort cher les ponts, cependant la corvée fournit à l'entrepreneur tout le moëlon et le pendant nécessaires. Nous ajoutons même qu'il en a été fait plusieurs sous lesquels il ne passera jamais d'eau.
Les habitans de la campagne payent presque seuls la corvée ; ils dévoient expérer ce servir des grandes routes pour charoyer leurs denrées avec plus de commodités et moins de frais ; ils se sont trompés. On leur a défandus d'atteler plus de trois chevaux ; plusieurs même ignorant une pareille ordonnance ont étés saisis et condamnés à des amandes arbitraires. Les habitans demandent une réforme dans cette administration et que la conduite des routes soit soumise à l'inspection des assemblées provinciales.
Francs fiefs.
4° Que le droit de franc fief, qui tombe directement sur le tiers état et qui absorbe le revenu des fonds hommagés, surtout dans la coutume locale de La Ferté Bernard, mérite d'être suprimés.
5° Que la vente du sel et du tabac soit libre, que tous droits sur les boissons, viandes et cuirs gesne le commerce et coûte immencément pour leur perception, la paroisse demande une réforme sur tous ses objets.
Municipalités.
6° Qu'à l'avenir la répartition des impôts de chaque paroisse se fasse par la municipalité déjàétablie, sans qu'il soit besoin d'en déplacer à cet effet.
7° Qu'il n'i ai au plus de deux collecteurs dans chaque paroisse et que leur rôle soit soumis à l'examain de la municipalité et qu'ils soient comptables au bureau de leur district, afin de leur éviter les frais de port et l'inquiétude qu'ils ont que celui qui s'en charge n'en compte pas exactement.
Loi.
8° Qu'il est bien à désirer qu'il n'i ait qu'une seule et même loi, ou tout au moins qu'on reformât celles qui existent, car leur défaut de clartés et de précision ont causés la ruine de bien des familles.
Vénalité.
9° Que toutes juridictions seigneuriales méritent d'estre supprimées et la vénalité des charges de magistratures supprimée. Les mauvais effets que ses deux causes produisent ne sont que trop connus.
10" Que toutes les charges d'huissiers priseurs soient supprimées, car elles sont on ne peut plus préjudiciable, tant au Roy qu'à ses sujets.
Lots et ventes.
Il° Que tous droits de lots et ventes, surtout dans la coutume de La Ferté Bernard, se perçoivent au sixième de toutes les venditions, droit de vimage et dixmes sont très onéreux, la paroisse se contente d'en faire l'observation. Elle s'en rapporte pour le reste à l'examain qu'en pourront faire les États généraux.
Chasse, Fuies.
12° Que tous droits de chasse et de fuye très nuisible à l'agriculture méritent d'estre suprimés, ou qu'il soit permis à tous cultivateurs, de détruire toute espèce de gibier et pigeons qui ravagent ses récoltes. On demande aussi la supprétion de tous droits de banalité.
Milice.
13° Qu'il soit permis à tous garçons tombés pour la milice de se faire remplacer par tout autre et de le faire inscrire sur le champ en son lieu et place et d'en être déchargés. Le Roi ne pouroit qu'i gagner en ce qu'il n'auroit que des gens de bonne volontés, et des parens dont souvent ils sont le soutien ne s'en trouveroicnt pas privés.
Auxquels sieur Herpin, Lemarié et Toquelin, les dits habitans ont donné pouvoir et puissance de représenter et faire valoir les articles cy dessus et autres qu'ils jugeront bon être par raison, et même d'élire telles personnes suffisantes et capables, avec les autres paroisses et juridictions dépendant du baillage du Mans et autres, pour assister aux dits Etats généraux du royaume de France, qui se tiendront en la ville de Versailles le vingt-sept avril prochain.
Fait sous le seing de nous sindic, les dits jour et an que dessus, et ont les habitans qui savent signer signés avec nous et ceux qui n'ont signés ont déclarés ne le savoir, de ce enquis.
Signé : Lemarié, Le Breton, Herpin, René-Jean Haudebourg, F. Cherré, René Poivré, P. Bruneau, F. Rousseau, René Charon, Jacques Lépinette, C. Saunier, François Herbelin, C. Saunier, René Toquelin, et de nous sindic susdit et soussigné.
Gigout Delaforest sindic.